Recrutement et dilemmes en Ukraine face à l'avancée russe

L'impasse sur les champs de bataille et les résultats médiocres de la contre-offensive ukrainienne avec un nombre croissant de morts au front, les signes de l'avancée russe et l'absence d'une perspective réelle de reconquête des régions occupées ont causé à Kiev un problème (énorme) de recrutement de nouveaux soldats à envoyer au combat. Ce n'est pas un dilemme mineur. Depuis des mois, la population est de plus en plus sourde à l'appel de l'armée et de nombreux jeunes préfèrent se rendre introuvables en partant pour l'Europe : Pologne, Allemagne, Pays-Bas. La demande d'enrôlement ces derniers mois a souvent également atteint les prêtres gréco-catholiques, suscitant de plus en plus de mécontentement parmi une population épuisée. Ces jours-ci, selon ce que rapporte l'agence catholique KNA, l'évêque d'Odessa, Stanislaw Szyrokoradiuk a brisé le silence et a demandé à ses compatriotes aptes au service militaire mais ayant fui à l'étranger de revenir en Ukraine. «Si nous aimons notre patrie, nous devrions la défendre ensemble». Un appel en bonne et due forme à ne pas se cacher et à ne pas abandonner la patrie. «Je comprends que de nombreux jeunes Ukrainiens désirent une vie normale en Europe. Mais en même temps, il y a d'autres jeunes qui ont combattu en première ligne dans la guerre contre la Russie pendant plus de deux ans. C'est injuste» a déclaré Szyrokoradiuk. À Odessa, la situation est assez bonne malgré les bombardements en cours et le système de défense semble être intact. Cependant, quand l'évêque pense à la ville de Kherson, il ne manque pas de faire remarquer que tout est détruit, les maisons, les bâtiments, les hôpitaux, les écoles. «C'est un véritable génocide». En Ukraine, le gouvernement a promu une campagne territoriale pour recruter de nouveaux soldats en créant les Tcc, acronyme pour centre de recrutement territorial, une sorte de 'jetez-les dans l'armée' formé d'anciens soldats ayant pour mission d'envoyer des hommes au front parfois sans faire dans la dentelle. Entre-temps, les services consulaires ont été suspendus, une mesure destinée à affecter les centaines de milliers de citoyens en âge de service militaire, pour un total de 860 000 hommes adultes se trouvant actuellement uniquement dans les pays de l'UE, selon Eurostat, en janvier de cette année. La suspension restera en vigueur jusqu'au 18 mai, date à laquelle la loi sur la mobilisation sera effective : cette loi prévoit l'obligation pour tous les hommes en âge militaire de se présenter aux bureaux de recrutement pour mettre à jour leurs documents militaires, à distance ou en personne, dans un délai de 60 jours. Les hommes adultes à l'étranger auront besoin de ces documents pour recevoir des services consulaires, c'est-à-dire pour obtenir toute assistance demandée, du renouvellement des documents d'identité au certificat de mariage. L'Ukraine a imposé la loi martiale au début de la guerre interdisant aux hommes âgés de 18 à 60 ans de voyager à l'étranger sans une dispense spéciale et a lancé une mobilisation tournante d'hommes civils dans les forces armées. La décision de suspendre les services consulaires a été accompagnée d'une prise de position ferme du ministre des Affaires étrangères Kuleba : «La protection des droits et des intérêts des citoyens ukrainiens à l'étranger a toujours été et reste une priorité pour le ministère. En même temps, étant donné les circonstances de l'agression à grande échelle de la part de la Russie, la priorité principale est de protéger notre Patrie de la destruction».